Pure Plantainum, © Miguel Luciano

Si ou lé palé, fok ou ouvé djot-ou
Expression en créole martiniquais voulant dire « Si tu as envie de t’exprimer, ouvre-la ! »

IDENTITÉS CRÉOLES

Depuis l’arrivée des colons, aujourd’hui béké ou descendants de blancs créoles contre qui la dent dure des neg’marrons (indépendantiste en lutte contre les métropolitains) s’est aiguisée il y a peu de temps encore en Martinique et en Guadeloupe, l’identité créole est devenue une boule disco à multiples facettes. Elle rayonne à travers toutes les Caraïbes. Elle est guyanaise, jamaïcaine, portoricaine, dominicaine, haïtienne, mauricienne, sans compter la diaspora installée à Londres, Paris, Miami ou New York. Un imaginaire et une pléthore d’artistes qu’on ne saurait réduire au feu insurrectionnel de deux îles en colère.
L’idée d’investir les 2800 m² de la Grande Halle de la Villette n’a rien d’une folie au regard des 250 photographies, 85 œuvres d’art et installations ainsi que ses 9 espaces où l’on peut visionner des documentaires. La commissaire Yolande Bacot avoue avoir été inspirée de la pensée de Stuart Hall, sociologue britannique d’origine jamaïcaine, lui-même influencé par Aimé Césaire. « Dans ses travaux sur les Identités et Cultures (Éd. Amsterdam, 2007), il fait référence aux trois présences constitutives de l’identité caribéenne. La première parle de l’Afrique en tant que communauté imaginée, un peu comme Marcus Garvey imaginait l’Afrique, berceau de l’humanité. Le rastafarisme en est aujourd’hui un exemple flagrant. La seconde concerne le prisme de l’Europe qui renvoie à la colonisation et au phénomène de hiérarchisation des colonisés dans lequel les valeurs sociales et raciales sont encore marquées par le principe de domination. La dernière a trait aux Nouveaux Mondes, à ces pays vidés de leurs habitants par les colonisateurs comme l’île de la Réunion, où des cultures se sont violemment télescopées dans un premier temps et ont fini par se fluidifier avec les effets de la mondialisation. Ce qui nous renvoie au processus de créolisation.»
Une mise au clair à travers 60 artistes permettant de reconstituer une identité caribéenne en constante mutation. Beaucoup de points forts jalonnent ce parcours. Premier constat avec le photographe Davis Damoison et le plasticien Marcos Lora pour qui le travail de mémoire sur l’humiliation et le déni d’humanité se transcrit en fragments socioculturels. Coup de foudre pour la somptueuse Vénus Hottentot, 2000de Lyle Ashton Harris, à voir comme un symbole du machisme dans les sociétés caribéennes. Clins d’œil en direction de la négritude chère à Senghor et Aimé Césaire, dans lequel le Baron Samedidu sculpteur Patrick Vilaire et le Nostalgique sweet vacoade Jack beng-Thi sont du plus effet. On continue avec Bruno Peinado et son The Big One World, bonhomme Michelin africanisé au poing levé ; les travaux des photographes Jean-Luc de Laguarigue, Daniel Goudrouffe, Nicolas Nabajoth et Renée Cox sur ces « Îles sous influences » ; l’éloge de la créolité avec Alex Burke et Thierry Tian-Sio-Po pour finir avec « Chez soi – de loin », une évocation globale des diasporas.
Faisant sauter les clivages de l’esclavage et de la colonisation, Kréyol Factory se veut avant tout une aventure dédiée à l’imaginaire créole.
« apatoudi rélé moun a gran mémué anlé tou sa kif et asou laté » traduction : « Ce n’est pas assez de héler les gens de vaste mémoire sur tous les faits du monde ».Conclusion : Il faut agir.

Harry Kampianne

The Big One World, sculpture de Bruno Peinado

Grande Halle de la Villette
Entrée 7 €
Jusqu’au 5 juillet 2009
Tél : 01 40 03 75 75
www.kreyolfactory.com

Voir le lien vidéo ci-dessous

http://youtu.be/4eyXFybsVm8