Bill Viola fait partie de ces artistes que l'on peut aimer entre deux songes, entre deux eaux...toujours en apesanteur et pourtant solidement ancré dans une méditation inhérente à son oeuvre. Le "entre deux songes / deux eaux" n'est pas fortuit puisqu'il concerne cette après-goût de sa rétrospective majeure qui s'est déroulée entre mars et juillet 2014 au Grand Palais. Six mois plus tard, que reste t-il de l'univers de Bill Viola ou plutôt de son passage parisien à la fois adulé et contesté, de cet homme-vidéo vivant et travaillant à quelques kilomètres des collines d'Hollywood ?

                                                     Autoportrait (NIne Attemps to Achieve Immortality, 1996

Une sorte d'apesanteur coincé entre rêverie et somnolence. Le public était de ce point de vue révélateur d'une atmosphère lovée entre recueillement et béatitude. Toujours cet entre-deux, n'est-ce pas ? Il y avait le pas feutrée du visiteur, un peu comme si il déambulait dans de la ouate, et son côté extasié proche du " trop fort, le mec !" Et c'est peu de le dire lorsque l'on sait l'attention plus que limité du spectateur devant une vidéo d'art contemporain : allez ! à peine deux minutes montre en main pour ne pas désespérer de notre capacité de concentration devant certains "nanars" sponsorisés par the "Big Institution".

                                                               The Quintet of the Astonished, 2000

Bill Viola aime le bruit du vent dans le désert mais aussi les profondeurs abyssales de l'eau et de ses reflets, souvenirs d'un sauvetage in extrémis d'une noyade dans sa plus tendre jeunesse. Plus tard, il devint l'assistant de Nam June Park, père fondateur de l'art vidéo. Il s'y forgea une identité de résistant face à l'emprise pantagruélique et séductrice de la télévision. Aujourd'hui, il croit à la technologie de plus en plus sophistiquée des caméras, de la pellicule et du son. Il peint comme il filme ou l'inverse. On dit même de lui que c'est un peintre qui emploie des pinceaux numériques. Pour preuve, son oeuvre The Quintet of the Astonished, entièrement inspirée du Couronnement d'épines de Jérôme Bosh. Sa palette se compose de toutes sortes de caméras balayant le spectre du basique super 8mm au high tech nec plus ultra. Pour Nine Attemps to Achieve Immortality, il a employé une caméra de surveillance à infrarouge, destinées aux banques. Dans Three Women, il utilise deux caméras, l'une en HD et l'autre qui donne du grain, et puis il y a sa grosse caméra pour lumière lunaire lui permettant de fimer un plan rien qu'à la lueur d'une bougie.

                                                                         The Dreamers (détail), 2013

Bill Viola est un orfèvre en matière d'installations immersives et métaphysiques. Nous plongeons avec luidans la notion de temps, de celle qu'il aime faire durer, ralentir, répéter, comme pour se rapprocher de la pratique de la méditation et de la perception de l'image, autre que celle prédigérée des mass médias. Raison pour laquelle toutes les oeuvres qui furent présentées au Grand Palais duraient entre cinq et trente-cinq minutes. Peu importe la manière de les regarder et le temps que l'on y passe. Nous ne sommes pas face à un tableau ou une photographie, une oeuvre vidéo déploie une multitude de points de vue, et donc un panel d'émotions qui peut varier du jour au lendemain. Le voyage n'est jamais le même. Ce flottement permanent de beauté et d'effroi ressenti à travers son oeuvre  n'est pas métaphorique. Ses images vous talonnent, elles en deviennent  obsédantes et tyranniques...sans être pour autant cauchemardesques.

Harry Kampianne

www.grandpalais.fr

Teasing vidéo

http://youtu.be/7A9zt3mg5CY?list=UUh89g7tOiz7c6FBHDR0jU_A